Il faut boycotter les artistes israéliens

9 novembre 2025 – 980 mots


Trop c’est trop ! Les réactions en faveur de l’orchestre philharmonique d’Israël me retournent l’estomac, alors voici un billet pour le remettre d’aplomb. Le problème posé, c’est tout simplement que, par ses manifestations internationales, cet orchestre produit une image bienveillante d’Israël qui est aux antipodes de la réalité. Je ne vais pas faire la liste des griefs documentés que l’on peut dresser à juste titre contre Israël, la question n’est pas là, il suffit d’admettre que ce pays ne fait preuve d’aucune bienveillance, d’aucune compassion, d’aucune compréhension envers ses voisins, en particulier les plus proches : ces Palestiniens qu’il s’efforce de faire reculer chaque jour un peu plus, et qu’il torture dans ses prisons.

Voici le commentaire d’internaute qui a fait déborder le vase de ma patience :

« Le chef d’orchestre est pacifique. Il y a des musiciens juifs et musulmans dans ce groupe de merveilleux musiciens. Cet acte [l’interruption tonitruante de son concert à la Philharmonie de Paris] est un acte antisémite qui aurait pu être de terminer en bain de sang. » [En réalité, aucun musicien arabe, cf. liste des membres avec leurs photos.]

Ce commentaire est d’une bêtise abyssale ou d’une mauvaise foi immonde, car le boycott de l’orchestre ne doit rien à la qualité de ses membres, on se fiche de savoir s’ils sont « juifs », « musulmans », « merveilleux » ou pas « merveilleux ». Comme toujours dans les affaires humaines, c’est l’invisible qui importe le plus, à savoir que cet orchestre représente Israël. Il confère à ce sinistre pays une place honorable dans le « concert des nations », alors qu’il ne mérite qu’un « concert de protestations ».

J’ai trouvé ce commentaire sous un post d’André Markowicz, « traducteur, éditeur et poète français » d’une immense culture, et dont j’adore la plume, une plume toute en finesse, mais qui a donné dans la finasserie pour critiquer les interruptions du concert en question. Je ne sais plus quels sont ses arguments, il les développe longuement après un long préambule sur le cas de l’Ukraine, j’ai seulement retenu qu’il est passé à côté de l’essentiel qui, lui, peut se dire et se comprendre en moins de vingt mots : cet orchestre représente dignement Israël alors que ce pays se comporte de façon abjecte.

J’adore les subtilités d’intellectuels, (autant que mes modestes compétences me permettent de les apprécier), mais quand elles ratent aussi grossièrement le cœur du sujet, et qu’ainsi elles me déçoivent, alors je n’ai plus de mots. C’est désespérant ! A quoi bon avoir une belle plume, et l’exhiber sur Facebook, si c’est pour montrer qu’on n’a rien compris à ce qu’il fallait comprendre ? Notre écrivain s’était pourtant renseigné, voici ce qu’il écrit :

« L’orchestre philarmonique d’Israel est-il un représentant officiel de l’État d’Israël ? Une seconde de recherche sur google vous montre que, non, pas du tout : il appartient à une forme tout à fait particulière d’organisation, dans laquelles toutes les parts du capital sont partagées entre les artistes qui le composent, et les subventions de l’État ne concernent qu’une part infime (moins de 10% du budget annuel). »

Il n’est donc pas un « représentant officiel de l’État d’Israël », certes, on l’admet volontiers, mais quand on s’appelle « Orchestre philharmonique d’Israël », comment fait-on pour ne pas représenter Israël ? Cette représentation de l’un par l’autre arrive du seul fait des mots : Israël possède un orchestre philharmonique, mais un seul, un orchestre d’exception au demeurant, puisqu’il est invité dans le monde entier, de sorte qu’il n’est pas un banal orchestre israélien parmi d’autres. Alors, sous la plume d’un grand écrivain censé chérir les mots, j’aurais préféré retrouver mon interprétation au lieu d’un sordide argument qui mêle Google, l’État d’Israël et un pourcentage budgétaire ! La déception est immense.

Une déception qui ne fait que grandir à mesure que j’en apprends plus sur cette polémique. Si cet orchestre n’est pas un « représentant officiel de l’État d’Israël », alors pourquoi son secrétaire général, Yair Mashiach, a-t-il déclaré exactement le contraire ? Trop drôle ! « Une seconde de recherche sur google » m’a en effet permis de dénicher cette perle :

« [Son] secrétaire général (…) a rappelé en mai dernier que « l’Orchestre philharmonique d’Israël est l’orchestre national de l’État d’Israël et son ambassadeur culturel dans le monde ».

Il y a de quoi s’esclaffer ! Certes, le même article nous apprend que son chef actuel, Lahav Shani, a déclaré :

qu’« Il est impossible de rester indifférent à la souffrance des civils à Gaza face à la catastrophe que cette guerre leur a infligée. Tout doit être mis en œuvre pour mettre fin à la guerre dès que possible ».

On ne peut que louer cette déclaration, mais justement, le boycott des artistes israéliens fait partie de ce « tout » qui « doit être mis en œuvre », car il participe à la « pression » que l’on peut exercer sur Israël, au même titre que les flottilles s’efforçant de « percer le blocus » de Gaza. Ce boycott est injuste envers les artistes sincèrement sensibles à la cause palestinienne, mais il ne pourra jamais l’être autant que les bombes et les balles qui tuent ou mutilent sciemment les civils.

Pour finir, je vous fiche mon billet qu’André Markowicz n’a pas lu l’histoire de cet orchestre selon Wikipédia, sinon il y aurait trouvé ceci :

« Son concert inaugural a eu lieu à Tel-Aviv le 26 décembre 1936, avec Arturo Toscanini au pupitre de chef d’orchestre. Il a été rebaptisé « Orchestre philharmonique d’Israël » depuis la création de l’État d’Israël en 1948. »

Avant, il s’appelait, devinez..

« Il a été fondé en 1936 par le violoniste juif d’origine polonaise Bronisław Huberman sous le nom d’« Orchestre de Palestine » (…) »

Cet orchestre a donc gommé une partie essentielle de son histoire, contribuant ainsi, à la hauteur de ses modestes moyens, à l’effacement des Palestiniens.


Illustration : Wikipédia : « היכל_התרבות_ע_ש_צרלס_ברונפמן », ce qui veut dire : « Centre culturel Charles Bronfman ». Wikipédia a libellé l’image comme suit : « Auditorium Charles R. Bronfman de Tel-Aviv ». C’est le siège de l’orchestre.

3 commentaires sur “Il faut boycotter les artistes israéliens

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  1. Je ne suis pas en désaccord total avec vous (mon avis balance, à vrai dire), mais sur un point vous tombez dans une erreur historique grossière, malheureusement fréquente : la dénomination « Orchestre de Palestine » ne signifiait pas DU TOUT qu’y étaient alors intégrés les habitants arabes de la Palestine. « Palestine » était tout simplement le nom de la région, et potentiellement des établissements juifs qui s’y étaient formés. Il est donc normal qu’une fois la création de l’État d’Israël, l’orchestre prenne ce nom et remplace celui de Palestine – nom qui du reste disparut avant l’émergence plus tardive du mouvement national des populations arabes locales, qui prit, cela tombait sous le sens, le nom de « palestiniennes ». Aucun Arabe palestinien ne fut donc effacé par le changement de nom de l’orchestre (il est d’ailleurs probable que cet orchestre jouant de la musique savante européenne ait laissé indifférents cette population, aux traditions musicales sans grand rapport). Patrice Gaborieau

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    1. Il n’y a jamais de sous-entendu dans mes propos, j’ai signalé le changement de dénomination uniquement pour ce qu’il signifie, non pour ce qu’est l’orchestre dans la réalité. Et selon moi, ce changement signifie, (c’est ça qui est contestable), que cet orchestre est lié, ou se sent lié depuis 1948 à l’Etat d’Israël. C’est « logique », effectivement, qu’il change de nom à la création de l’Etat, mais c’est arbitraire : rien ne l’y obligeait, il aurait très bien pu vivre jusqu’à aujourd’hui avec son ancien nom. Alors pourquoi l’a-t-il fait ? Parce qu’il a le sentiment de représenter Israël, voire l’Etat d’Israël, contrairement à ce qu’affirme M. André Markowicz. Merci beaucoup pour votre commentaire, je m’attendais à ce que ma chute soit contestée.

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    2. Ah zut, j’ai oublié l’essentiel. En changeant de nom, l’orchestre a bel et bien gommé une occurrence d’apparition du nom Palestine. Vous l’imaginez, aujourd’hui, s’appeler Orchestre de Palestine ? Ce serait de la pub pour les Palestiniens !!!

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