La science aussi s’effondre, mais…

2 décembre 2025 – 1300 mots

La science s’effondre mais une nouveauté pourrait lui redonner du souffle.


C’est un aspect de « l’effondrement » que je n’ai jamais abordé mais auquel il m’arrive de penser : la science aussi s’effondre, tous nos schémas intellectuels sont en train de s’effondrer, non parce qu’ils seraient devenus stupides du jour au lendemain, mais parce que les événements catastrophiques les rendent caducs, comme nuls et non avenus. Gustave Flaubert, ce nom vous dit quelque chose ? Pour avoir lu un petit recueil de citations, je suis en mesure d’affirmer que l’illustre écrivain « croyait » en « la science », au sens où il escomptait qu’elle serait un facteur de progrès social. Par comparaison, existe-t-il aujourd’hui seulement une personne s’imaginant que « la science » pourrait nous apporter quelque chose ? Hormis les gourous fous du transhumanisme, plus personne n’y « croit », on n’en attend plus rien, au mieux évoque-t-on les innovations technologiques qui pleuvent des labos. On assiste au contraire à un « retour du religieux » sous sa forme la plus primitive, celle qui nourrit les croyances les plus hallucinées, non celle d’une réflexion élaborée, partagée et discutée.

Il y a une bonne raison à cela : l’ère des grandes découvertes s’est refermée, la science n’innove plus, elle vit sur ses acquis. Incapable de susciter le moindre débat, elle est devenue un non-sujet, voire un épouvantail pour certains. Quand la relativité restreinte fit son apparition en 1905, dans cet autre espace-temps que constituent les médias, elle eut un retentissement considérable, et Einstein devint célèbre du jour au lendemain. Depuis lors, 120 ans se sont écoulés, et qu’avons nous connu de comparable dans cet intervalle ? Un seul livre, une seule théorie : le « rapport Meadows » qui fit grand bruit, allant jusqu’à susciter des débats publics dans certains parlements, mais qui s’est rapidement « perdu dans les sables » comme l’a fort bien expliqué Jancovici. Nous étions pourtant face à de la grande et belle science, susceptible de remettre en cause nos préjugés et de servir les sociétés humaines. Malheureusement, nous ne sommes pas « gouvernés par la science », mais par des abrutis mieux financés que ceux qui les critiquent.

Désormais, l’évolution de « la science » moderne se mesure à quelques points caractéristiques : un départ astronomique avec Galilée, (1564 – 1642), un plateau sommital allant de Darwin, (1809 – 1882), à Einstein, (1879 – 1955), en passant par Flaubert, (1821 – 1880), et maintenant cette déchéance faramineuse avec Trump le clown. Il ne pouvait pas en aller autrement, c’était inéluctable à cause de phénomènes bien connus mais aux conséquences insidieuses. Le plus important de ces phénomènes, et qui englobe tous les autres, est la fulgurante complexification du monde qui s’amorça aussitôt la 2nde GM terminée, restreignant chaque jour davantage l’espace-temps dévolu à la pensée et au débat. Il y en a malheureusement beaucoup d’autres, en particulier la résistance de la bourgeoisie au rationalisme des Lumières, une bourgeoisie qui avait intérêt à diffuser la science, mais pour former les ingénieurs indispensables à ses profits. C’est ainsi que le rapport Meadows ne fut pas seul à finir « perdu dans les sables » faute de financements, ce fut aussi le sort de toute la vulgarisation scientifique, soumise comme tout le reste au diktat de la rentabilité financière.

***

C’est dans ce contexte déprimé et déprimant que vient de surgir une bombe qui devrait, théoriquement, faire autant de bruit que l’évolution et la relativité, mais qui n’en fera sûrement aucun. Une Norvégienne spécialiste des nanotechnologies, Maria Strømme, vient d’écrire, dans une revue américaine éminemment sérieuse, AIP Advances, publiée par l’American Institute of Physics, (fondé en 1931), vient d’écrire un article révolutionnaire : « La conscience universelle comme champ fondamental : un pont théorique entre physique quantique et philosophie non duale ». Bigre ! C’est d’autant plus spectaculaire que cette « conscience universelle » serait la même que la conscience individuelle, (familière à chacun), et elle serait le « substrat » de toute réalité physique, y compris l’espace-temps et la matière. C’est complètement dingue !

Je veux pourtant bien croire que cette théorie est sérieuse, mais, la vulgarisation scientifique étant dans un état plus que lamentable, on ne pourra jamais en débattre sérieusement. L’article de Sciencepost qui me l’a fait découvrir est farci d’erreurs abominables, prouvant par A plus B que l’auteur n’a rien vérifié ni rien capté à son sujet. Alors, essayons d’expliquer, et commençons par la légende, (traduite par Microsoft via son navigateur), qui accompagne l’image insérée au milieu de l’article original :

« Illustration représentant l’intégration de l’esprit, de la conscience et de la pensée basée sur les concepts de la mécanique quantique décrits dans l’article. L’esprit représente l’intelligence créatrice universelle, la source de toute création. La conscience représente une conscience universelle qui permet la perception de l’espace, du temps et de la matière. Elle agit comme un substrat, donnant structure et forme au potentiel informe de l’esprit et faisant le pont entre l’infini et le physique. La pensée représente le mécanisme créatif qui convertit le potentiel infini de l’esprit et la conscience universelle de la conscience en réalités individualisées et structurées. »

Se fondant sur ces trois entités, (soulignées ci-dessus), et s’appuyant sur le formalisme de la mécanique quantique, Maria Strømme explique comment des formes structurées naissent du potentiel infini, intemporel et informe de l’esprit. L’article est assez long, assez détaillé et assez précis pour être pris au sérieux, il s’agit donc d’un modèle, non d’une œuvre philosophique qui permet de dire tout et son contraire. Il me fait penser à la mécanique de Newton, (1643 – 1727), qui relie aussi trois entités fondamentales : la force, l’accélération et la masse, et qui opérait déjà un fantastique travail d’abstraction. En effet, il faut bien comprendre que « la force », sous la plume de Newton, devient ipso facto un concept, non une réalité de la nature comme elle le serait encore pour un romancier, mais un concept convenant à la représentation, abstraite et sommaire, sous forme d’un vecteur mathématique, de n’importe quelle force réelle, qu’elle soit d’un cheval, du vent, des astres ou de particules subatomiques. Cela suggère que Maria Strømme a réédité l’exploit newtonien en parlant de « la conscience » avec des outils mathématiques appropriés. Au final, il n’est pas absurde de situer cette « conscience » à la base de toute réalité physique. Si cette explication est correcte, il en découle que ladite « conscience universelle » n’a malgré tout qu’un rapport lointain avec « la conscience humaine » biologique, mais cela n’affaiblit nullement le modèle, ma remarque contribue au contraire à le crédibiliser. En effet, par analogie, un poids dû à la gravitation se représente exactement comme la force d’un muscle du corps : l’une et l’autre relèvent donc du même concept bien qu’elles soient d’origines complètement différentes. Il est donc tout à fait concevable qu’il en aille de même pour « la conscience universelle » et celle d’un individu biologique, et cela conduit à penser que la « conscience universelle » de Strømme pourrait être le pendant de la « gravitation universelle » de Newton.

Pour résumer ce modèle, disons qu’il explique comment l’informe prend forme, de façon analogue à Newton nous expliquant comment les corps se mettent en mouvement. Tout cela peut être fort intéressant, et pourrait conduire au Graal de la physique : la fameuse « théorie du Tout » qui unifierait enfin la Relativité Générale et la mécanique quantique. Nous en sommes encore loin, bien sûr, mais cette perspective alléchante pourrait avoir retenu l’intérêt des scientifiques de la très sérieuse revue AIP Advances, d’où la publication. Notons enfin que le modèle de Maria Strømme est radicalement nouveau, alors que les autres théories en quête du Graal ne font que du bricolage-rafistolage mathématique. C’est le cas notamment de ces montages théoriques qui imaginent un temps à plusieurs dimensions, et qui me font bien marrer ! Parce qu’ils prouvent que les scientifiques sont nus et myopes comme des taupes devant la notion de temps, alors qu’ils en parlent de façon péremptoire, Aurélien Barrau en tête.


Illustration : copiée de l’article original.

Permalien : https://onfoncedanslemur.wordpress.com/2025/12/02/la-science-aussi-seffondre-mais/

3 commentaires sur “La science aussi s’effondre, mais…

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  1.  » nous ne sommes pas « gouvernés par la science », mais par des abrutis mieux financés que ceux qui les critiquent. »

    Sur ce point nous sommes d’accord et je te l’avais signifié à diverses reprises heureux que tu te penches avec brio sur cette situation.

    Quant à Maria Strømme elle se contente d’avancer et de publier sa théorie qui fera son chemin.

    Pour ma part, elle « a du sens intuitivement » et comme je ne pourrais jamais le trouver, et comme tu le précises dans ta réponse, « S’il est adopté par la communauté scientifique, (ce qui n’est pas gagné d’avance) » nous n’en débattrons jamais.

    Ce que je sais par contre, et là, je parle de mon vécu, plus ma conscience croît, plus elle se rapproche de la conscience universelle, Je sais ce que tu vas penser, ne te prends pas la tête je te provoque bien trop grossièrement.

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  2. Je suis votre blog depuis quelques années et j’apprécie beaucoup votre approche. Mais j’ignorais que mettre les fantômes en équation vous botte autant ! C’est « bigrement dingue », comme vous dites, peut-être même un peu trop. Et surtout, à mon goût, cela va un peu trop dans le sens de nos biais habituels qui nous font croire à tout et n’importe quoi pourvu que ça ait du sens intuitivement. Surtout pour quelque chose de « révolutionnaire » 🙂 Si la science a progressé comme vous l’évoquez, c’est plutôt en opposition à ce genre de tentations anthropomorpiques à inverser causes et conséquences, matière et « conscience », quoi que ce terme puisse vouloir dire… mais OK pour rester ouvert, toute hypothèse est bonne à être formulée. Celle-ci a beau être correcte sur le plan formel, attendons de pouvoir la confronter à des mesures expérimentales. L’avenir nous le dira, ou pas 🙂

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    1. D’accord sur tous les points de votre com’ sauf un : « mettre les fantômes en équation ». Ca ne me botte pas spécialement. Au contraire, je déplore que la physique fondamentale soit devenue si hautement spéculative que l’on peut la considérer comme une sorte de philosophie. Ce nouveau modèle conceptualise ce qui ne l’était pas encore, et risque fort d’augmenter le désordre de la pensée dans la société civile. S’il est adopté par la communauté scientifique, (ce qui n’est pas gagné d’avance), il promet un grand remue-ménage qui sera très fun à observer et commenter. En tout cas, merci pour votre commentaire, j’ai beaucoup apprécié sa pertinence. 🙂

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