[ripopée] Le capitalisme

Liste de ce qu’il faudrait faire :

  • Changer les mentalités qui déterminent les modes de consommation.
  • Changer de modèle agricole.
  • Mieux gérer l’eau.
  • Réduire la production de matières plastiques.
  • Réduire les émissions de GES.
  • Réduire la consommation d’énergie.
  • Réduire la déforestation et planter des arbres.
  • Réduire la consommation de viande et de poisson.
  • Réduire l’artificialisation des sols et augmenter les « réserves naturelles ».
  • Réduire les pollutions.
  • Réduire les besoins en transports, et développer les transports collectifs.
  • Réduire les inégalités.
  • Réduire le gaspillage.
  • Réduire la criminalité écologique.
  • Mieux collecter et recycler les déchets.
  • Aider et pousser les autres pays à faire de même.

Dressée à partir de ce qu’on peut lire dans les actualités, cette liste répertorie de façon fidèle toutes les catégories des problèmes soulevés. Elle révèle l’ampleur herculéenne de la tâche, une dimension sur laquelle les beaux parleurs préfèrent ne pas s’attarder.

« Nous ne voulons pas léguer à nos enfants et petits-enfants un monde où… blablabla » : ceux qui parlent ainsi ont eux aussi profité et profitent encore de ce monde subitement déclaré intolérable. Que souhaitent-ils vraiment pour leurs enfants ? Ils devraient y réfléchir à deux fois.

L’avion commence à avoir « mauvaise presse », ce qui est une bonne chose, mais personne ne profite de l’occasion pour dénoncer le rôle crucial qui est le sien dans le système et la mondialisation. L’on peut donc prévoir que le rail viendra rogner ses « parts de marché », sans que cela ne change rien au business as usual.

De manière générale, la contestation oblige seulement le système à s’adapter, donc à perdurer, et cela commence par « l’information libre et non faussée » : l’Association Internationale du Transport Aérien, (IATA), a d’ores et déjà annoncé une « grosse campagne de communication ». (Plusieurs mois après, nous constatons cependant que les compagnies d’aviation sont plutôt absentes des pub, on ne parle que de SUV.)

Un écrivain et blogueur américain a dressé un tableau très sombre pour les récoltes de 2019. Résumons son article traduit en français :

  • Aux États-Unis :
    • Jusqu’à un million de veaux perdus à cause des inondations.
    • Plantations de maïs divisées par deux.
  • L’Australie va devoir importer du blé alors qu’en 2018 elle a été classée 5ième exportateur mondial.
  • Aux Philippines, grosses pertes financières sur le riz.
  • « Partout dans le monde, les récoltes sont dévastées par les inondations, la sécheresse et des températures plus froides que prévu. »
  • Corée du Nord : sécheresse importante et « déficit alimentaire ».
  • Chine : 200 millions de porcs menacés par la peste porcine africaine.

La leçon est évidente : tant que les pays peuvent compenser leurs déficits par des importations, ils évitent la crise alimentaire, mais quid si les exportateurs, se retrouvant eux-mêmes en difficulté, ne peuvent plus satisfaire leurs besoins ? Réponse : c’est le début de l’effondrement prévu par le rapport Meadows.

Petite phrase d’un monsieur en trottinette électrique croisé dans la rue et s’adressant à son smartphone : « Moi je ne pollue pas. » S’il pensait à son moyen de transportation, il se trompe lourdement, car il est la pollution en train de diffuser. Comme nous l’avons expliqué, cette diffusion ne commence pas au moment où un produit est abandonné dans la nature, mais à sa sortie d’usine.

Ce polystyrène, qu’on est en train de coller sur les bâtiments pour économiser de l’énergie, et indirectement pour « protéger la nature », finira ses jours dans la nature. Lui aussi est la pollution en marche.

Wu Guoyong est un artiste chinois qui a photographié dans son pays des dizaines de cimetières de vélos : un spectacle à ne pas manquer ! En voici un échantillon extrait de Libération de décembre 2018 :

velos-chine4

Ironie de l’histoire : il s’agit de vélos en libre-service, fruits juteux de cette « économie du partage » à l’avenir radieux, mais partout vouée au même gaspillage. Et ce pour une raison bébête : les réparations étant trop onéreuses, les « business plans » prévoient tout sauf ça !

Ces cimetières de vélos sont révélateurs des piliers principiels du capitalisme :

  • 1) Production de masse sans laquelle il n’y a pas de marché (au sens capitaliste).
  • 2) Compétition frénétique pour prendre des parts.
  • 3) Capture de la valeur grâce à la concentration des moyens.
  • 4) Sélection darwinienne des entreprises les plus compétitives.
  • 5) Rien à faire de tout le reste, (y compris du bien-être des salariés).

Le « procès France Télécom », (qui se déroule à l’heure où nous écrivons), le refus des actionnaires d’Amazon de prendre en compte les enjeux environnementaux, le lobbyisme des grosses entreprises, les négligences qui conduisent à des catastrophes industrielles, les vagues de licenciements qui font grimper les cours, le secret des affaires et la persécution des lanceurs d’alertes, les bulles spéculatives qui finissent en crises économiques, le rejet viscéral de toutes formes de collectivisme et les pratiques d’évasion fiscale : tout cela montre que les capitalistes déclinent toute responsabilité dans la marche du monde. Mais, curieusement, par la voix de leurs créatifs théoriciens et de leurs décomplexés services de com, les mêmes n’ont de cesse de nous promettre un « avenir meilleur », et c’est du reste à ce titre qu’ils reçoivent le soutien inconditionnel des États. N’y aurait-il pas une petite contradiction ?

Après Leibniz qui affirmait : « Ayez confiance en Dieu, nous vivons dans le meilleur des mondes possibles », les capitalistes nous disent : « Ayez confiance en nous, vous vivrez dans le meilleur des mondes possibles ». Il n’est pas sûr que « l’Humanité » y ait gagné au change.

Les points 3 et 4 ci-dessus montrent que le capitalisme est un phénomène auto-entretenu, et comparable à celui de la vie. Comme les plantes le font de l’énergie solaire, il capture la valeur des choses et des êtres, et la sélection des plus performants, contraignant les acteurs économiques à suivre les mêmes règles ou à en inventer de meilleures, verrouille tout espoir de faire marche arrière.

Organisée de façon typiquement capitaliste, à grands renforts de réseaux et serveurs informatiques qui permettent de concentrer l’information, la fameuse « économie du partage » n’est évidemment pas une solution aux problèmes engendrés par le capitalisme : à la concentration des moyens de production, elle ajoute celle des moyens de consommation via leur location informatisée.

Cependant tout n’est pas noir, il y a du vert aussi, par exemple cette « ville-forêt » que la Chine fait construire par un architecte italien. La liste de ses fonctions laisse songeur quand on pense que les villes antiques n’en comportaient que trois : connexion au réseau routier, alimentation en eau potable et évacuation des eaux usées. Aujourd’hui il faut :

  • Absorber du CO2.
  • Produire de l’oxygène.
  • Réguler la température.
  • Faire absorber les polluants.
  • Isoler acoustiquement.
  • Produire de l’énergie.
  • Connecter aux réseaux routier, ferroviaire, électrique et informatique.

Signe des temps : ébloui par les performances de cette ville futuriste, l’auteur n’a pas parlé de la gestion de l’eau et des déchets…

Dans un billet vieux d’une décennie, Paul Jorion écrit, (souligné par votre serviteur) :

« Certains me demandent : « Fin du capitalisme ? Vous n’exagérez pas ? » La réponse est non : je ne fais jamais dans l’alarmisme. Et je suis très prudent quant à mes titres. »

Il a plutôt beaucoup manqué de prudence, car le capitalisme a encore de belles décennies devant lui. Il n’est même pas sûr que l’effondrement durable de l’économie mondiale provoquerait sa fin.

Publié le 4 juillet 2020


Illustration : Le livre scolaire

Permalien : https://onfoncedanslemur.wordpress.com/2020/07/04/ripopee-le-capitalisme/

2 commentaires sur “[ripopée] Le capitalisme

Ajouter un commentaire

    1. Corrigé en : « qu’ils ont recevu le soutient ». Je plaisante bien sûr. Je ne sais pas pourquoi, cette faute m’arrive presque toujours, comme avec entretien par exemple. Je sais qu’il me faut faire très attention mais parfois ça m’échappe. Merci beaucoup pour votre vigilance. 🙂

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑