On fonce dans le mur n’est pas seul à vouloir attirer l’attention sur la catastrophe annoncée par le Club de Rome, beaucoup de gens s’en préoccupent. Mais, curieusement, l’on voit bien, à travers l’actualité, que ça ne sert strictement à rien. Enfin, pas tout à fait. Les grands médias ne cherchent à attirer l’attention que pour justifier le « capitalisme vert« , alias le « développement durable« , alias la « croissance verte« .
Tout le monde parle de cet indicateur global qu’est le « jour du dépassement », mais tous les articles le font de la même façon, ils ne vont jamais plus loin que ces cinq points :
- Informer le lecteur que l’humanité « vit à crédit » à partir de ce jour jusqu’au 31 décembre.
- Expliquer en quoi il consiste exactement : information destinée à ceux pour qui c’est une nouveauté.
- Rappeler que son mode de calcul est contestable et contesté.
- Rappeler la nécessité du « développement durable » et de la « transition énergétique ».
- Annoncer de « combien de planètes » l’on aura besoin dans X années « si l’on ne fait rien ».
L’on saisit intuitivement que la fabrication à grande échelle de centrales solaires, d’éoliennes, de batteries et de véhicules électriques ne peut pas être une « solution », mais les effets réels ne sont pas évalués. Et ne peuvent pas l’être. Les projections réalistes ne peuvent se fonder que sur des tendances lourdes et avérées : en 1950, les industriels pouvaient parier sur un accroissement long et continu du parc automobile, mais personne n’aurait pu parier qu’en France l’on compterait 32 millions de voitures en 2015, soit environ 1 pour 2 habitants, sans compter les camions et les véhicules utilitaires. Or, aujourd’hui, le parc des « solutions vertes » est balbutiant, de sorte que ses effets sur l’environnement sont indiscernables : en ce sens que, par exemple, il n’y a pas encore assez d’oiseaux tués par les éoliennes, ou pas encore assez de nuisances « prouvées » pour que leurs effets soient pris en compte, à l’inverse, par exemple, des « particules fines » produites par le diesel qui font l’objet de mesures en continu dans les grandes agglomérations.
De plus, en ce qui concerne les éoliennes, elles seraient finalement « moins vertes » que les centrales au gaz de dernière génération, et constitueraient finalement un « gouffre financier », à tel point que 14.000 seraient déjà abandonnées aux USA : leur durée de vie serait de 10 à 15 ans seulement, contre les 25 ans escomptés.
Mais l’essentiel n’est pas là. Quand bien même mettrait-on en place toutes les solutions pour que le « développement durable » devienne réalité, la question que l’on peut se poser est : pour faire quoi ? C’est-à-dire : pour continuer à vivre comme aujourd’hui ? C’est-à-dire avec des besoins en tous genres qui ne cessent de croître, en continuant de disperser du plastique, des polluants chimiques et des nanomatériaux, en continuant de « grignoter » les espaces naturels dévolus aux autres espèces, en continuant d’émettre du CO2 et du méthane, en continuant de surexploiter les nappes phréatiques et les ressources en tous genres ?
Comme le montre ce « jour du dépassement », l’impact sur l’environnement est global, de sorte que la vraie solution, si elle existe, devrait être effective sur tous les plans à la fois, à commencer par cette culture technologique dont les innovations nous poussent à « faire toujours plus fort » : train hyperloop, gratte-ciel toujours plus hauts, ordinateurs toujours plus puissants, etc.
Toutes ces innovations, auxquelles personne n’imagine renoncer, ne sont concevables, finançables et réalisables que par des gens vivant sur le mode de vie occidental, et soumis à cet implacable régime de la concurrence économique qu’ils sont les premiers à « tirer de l’avant » : ils sont le « fer de lance » du développement technologique à cause duquel nous sommes aujourd’hui au bord du gouffre, (car c’est lui qui a permis la surexploitation de la nature), et la « clef de voûte » de notre culture occidentale et moderniste.
Cette culture se refuse à voir le caractère global des phénomènes auxquels l’humanité est confrontée et que le rapport Meadows a bien mis en valeur. Prenons par exemple les forêts : avec le développement de l’informatique qui a réduit drastiquement les besoins en papier, l’on pouvait imaginer (et croire) que les forêts seraient à l’avenir mieux préservées. Et bien non : elles sont (globalement) attaquées par la déforestation, le stress hydrique, les incendies, les pluies acides…
L’impossible solution
Elle consisterait à tourner le dos à l’une des bases de la culture moderne : le culte de la performance, de l’efficacité, du « dépassement des limites » (personnelles ou collectives), des prouesses en tous genres, des plus spectaculaires aux plus ridicules, le « Guiness des records », etc. Les premiers trains roulaient à 30 km/h, les TGV vont depuis longtemps à 300, et les Chinois, après l’hyperloop à 1000 km/h d’Elon Musk, prétendent aller à… 4000 km/h ! Même si cela semble irréaliste, cet exemple montre que l’extrémisme est inclus dans le capitalisme, qui semble faire de toute limite une idée pour aller plus loin, plus haut, plus fort, plus vite, plus puissant. (Cet extrémisme est patent dans cette idée de « 100% d’énergies renouvelables » d’ici 2050 et pour le monde entier.)
La conséquence en est que « le jour du dépassement » continuera de reculer inexorablement vers le début de l’année, selon un mouvement global de toute l’espèce humaine, et qu’il ne prendra fin que lorsque celle-ci y sera contrainte et forcée par la catastrophe écologique annoncée.
Paris, le 16 septembre 2017
Plus de publications sur Facebook : On fonce dans le mur
Permalien : https://onfoncedanslemur.wordpress.com/2017/09/16/le-jour-du-depassement/
Voir aussi ma page FB : https://www.facebook.com/notes/on-fonce-dans-le-mur/historique-des-articles/413668438974339/ avec des articles antérieurs.
J’aimeJ’aime