EDIT : il s’agit d’un FAKE. Il est évident que l’ours de la vidéo est à deux doigts de la mort, mais rien ne prouve que la faim en soit la cause première. Pour le site Polar Bear Science, il n’y pas de rapport avec le réchauffement climatique, car il s’agit d’un spécimen jeune qui est peut-être malade ou qui n’est pas assez expérimenté pour trouver de la nourriture comme ses congénères. Quoiqu’il en soit, il est normal que des individus périssent avant d’avoir le temps de se reproduire, cela fait partie de la sélection naturelle.
Mes plus vifs remerciements aux deux internautes qui ont immédiatement signalé ce fake sur FB, en précisant que l’animal est plutôt la victime d’un cancer des os qui d’ailleurs déforme visiblement ses pattes.
Je maintiens cependant le billet car sa teneur est d’ordre général, il n’accuse qu’incidemment le réchauffement climatique, et si l’ours de la photo n’en meurt pas, ce seront ses frères.
Des animaux si beaux et si majestueux ! Et puis voir l’un d’eux, devenu famélique, faire les poubelles comme un clochard… Sa déchéance est d’une tristesse infinie. La gestuelle exténuée de l’animal nous révèle son être, toujours agissant, toujours conscient, jetant ses dernières forces pour inspecter nos détritus, avec le même espoir qu’un être humain aurait dans sa situation.
Cet ours polaire, filmé par l’ONG SeaLegacy est, ou devrait être, le miroir de l’espèce humaine, la « rançon de son succès ». Oui, nous sommes responsables et coupables, bien sûr, et certains parmi nous beaucoup plus que d’autres, mais qu’est-ce que cela change ? La nature ne connaît que ses propres lois, le bien et le mal n’existent pas pour elle, et nos dieux s’en fichent. Alors, qui viendra nous punir de ce crime ? Personne bien évidemment, car il n’y a personne au-dessus de nos têtes, rien sinon cette prodigieuse Voie Lactée que nous ne pouvons plus contempler, la nuit venue.
Risquons une hypothèse : l’humanité n’a jamais rien compris, et aujourd’hui moins que jamais malgré sa gargantuesque puissance de calcul. Depuis la grotte de Lascaux, elle ne fait que s’éloigner de la leçon originelle : la vie est gratuite, elle n’existe pour rien, et le monde est d’une merveilleuse beauté. La seule et triste vérité à comprendre est que cette beauté recule à mesure que notre compréhension avance. Car enfin, comment ne pas réaliser que nous n’avons nul besoin d’intelligence pour se perdre dans l’infini face à la beauté du ciel ou de la faune sauvage ? Bien au contraire, c’est du mystère de leur perfection que nous avons besoin, pas d’un dieu tricéphale !
Hélas, c’est depuis des millénaires qu’un mal étrange s’est emparé de l’espèce humaine. Faut-il le nommer « civilisation » ou celle-ci n’est-telle qu’un symptôme ? A en juger aux découvertes faites sur le site turc de Göbekli Tepe, la religion, (ou quelque chose s’en approchant), serait apparue dans notre histoire avant même l’invention de l’agriculture. A cette époque, des êtres humains se sont donc attelés à l’immense tâche de tailler et graver des blocs de pierre de « 3 à 6 mètres de haut », dénotant déjà le sens de la démesure, avec sa morale du « dépassement ». L’on ne nous fera pas croire qu’une telle œuvre a vraiment été voulue par toute la population de l’époque, (« devançant d’environ 70 siècles les plus anciennes pyramides d’Égypte »), c’est-à-dire sans qu’une petite minorité n’impose sa loi : elle témoigne d’une organisation sophistiquée, ce qui est inconcevable sans que des meneurs n’aient appris à manier le verbe pour se faire des alliés, et la trique pour amener à résipiscence les inévitables récalcitrants.
Depuis lors, l’humanité évolue, n’en finissant pas de créer des civilisations comme la nature crée des espèces. Et si des pierres taillées, même finement, ne forment que des structures ridicules comparées aux archaïques termitières, force est de constater que les structures modernes les dépassent au moins en complexité, et que certaines constructions sont tout aussi admirables que les œuvres de dame nature. Que l’on songe aux abstractions mathématiques, à l’inépuisable création artistique, ou à toutes ces découvertes nous montrant aussi bien les débuts du cosmos que les « composants ultimes de la matière », (les fameux quarks) : l’extraordinaire connaissance humaine s’offre à notre contemplation de la même façon que la beauté absolue d’une « maman ours » avec ses petits. Tout n’est donc pas haïssable dans nos productions, et tout n’est pas affriolant dans la nature : quel être humain aimerait se réveiller avec des araignées trottinant sur son corps ?
Aucune conclusion ne pouvant s’imposer, (nos catégories de bien et de mal, de beauté et de laideur, étant bien trop pauvres pour embrasser l’infinie complexité du réel), il faut en conclure que quelque chose nous dépasse dans cette histoire, comme dans la vidéo de l’ours condamné par le réchauffement climatique : nous assistons, impuissants et incrédules, à la fin d’une splendeur. Le mot désigne une « lumière très intense et que rien ne ternit », et s’applique à merveille aux espaces immaculés de l’Arctique réverbérant les éclats solaires. Mais il désigne surtout une « beauté pleine de puissance et de majesté », exactement ce que nous offrait la nature et que nous voyons se faire engloutir par les ténèbres. Voilà pourquoi, les civilisations s’étant efforcées de concurrencer cette nature de plus en plus honnie au fil des millénaires, il se pourrait que la nôtre touche dans un même mouvement à son but et à sa fin. La splendeur était offerte en prime à l’espèce humaine, seule capable de la discerner et de l’apprécier, mais l’expérience a mal tourné. Certains ont dit que ce serait mieux avec un but, on en a trouvé une pléthore que l’on a poursuivis avec férocité, et nous voilà en train de découvrir qu’il n’y en avait qu’un et qu’il était depuis toujours derrière nous : la contemplation.
Paris, le 12 décembre 2017
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