La technologie pourra-t-elle sauver le monde ? Certains ont l’air de le croire dur comme fer, par exemple Bertrand Piccard, l’aventurier scientifique célèbre pour avoir fait le tour du monde dans son « Solar Impulse ». Avec sa fondation, il veut accélérer le développement de solutions techniques pour améliorer l’efficacité énergétique des processus industriels, ce qui lui fait dire que : « Oui, on peut concilier croissance et protection de l’environnement ».
Il faut bien reconnaître que les ingénieurs sont d’une remarquable créativité, et qu’aucun problème ne semble devoir rester longtemps hors de leur portée. Aucun sauf… ceux pour lesquels ils ne peuvent rien faire, ce qui est ballot. Citons en quelques uns :
- Le réchauffement climatique qui va perdurer même si l’on économise l’énergie.
- La chute de la biodiversité dont les causes sont multifactorielles.
- L’envahissement des océans par le plastique.
- La dégradation des sols.
Face à cela, Bertrand Piccard propose par exemple :
- Eco-Tech Ceram, qui peut récupérer la chaleur industrielle perdue et la transporter par conteneurs.
- Base, qui a inventé des panneaux solaires à la fois photovoltaïques et thermiques.
- Mascara, qui désalinise l’eau de mer avec de l’énergie solaire.
- Covestro, qui a doublé, voir triplé, la durée de vie des pales des éoliennes, et qui a aussi inventé un processus industriel pour produire du chlore en économisant 30% d’énergie.
- Solvay, qui a développé un produit appelé Silica, composé de petits grains de verre, qui, lorsqu’il est intégré dans les pneus de voitures, permet d’économiser jusqu’à 6% de carburant.
On a envie de se demander : mais pour qui roule vole Bertrand Piccard ? Emporté par ses rêves, par sa célébrité et l’exigence morale de « faire quelque chose », à tout prix et à chacun selon ses moyens, (effet colibri), il n’a pas l’air de voir que ces « solutions » participent du « business as usual ». Certes, le chlore est très utile comme désinfectant, mais il sert énormément aussi à la production de plastiques. Le rendre moins onéreux à produire n’est pas nécessairement une bonne idée pour la planète.
De manière générale, l’industrie n’en finit pas d’améliorer son « efficacité énergétique », elle a même commencé par là, en perfectionnant l’efficacité de la machine à vapeur, et ce qui en a résulté est désormais bien connu : c’est l’effet rebond selon lequel : « une meilleure efficacité dans le processus de production d’un produit diminue les coûts par unité produite, ce qui augmente la demande pour ce produit ». Et augmente par conséquent ses effets secondaires et indésirables. Cet effet rebond est connu depuis 1865, (il s’était déjà manifesté après que Watt eut amélioré le rendement de la machine à vapeur), mais l’on continue de raisonner comme s’il n’existait pas. Et on le voit pointer son nez dans le domaine des voitures électriques avec cette FFZERO1 qui est « capable d’atteindre les 100 km/h en à peine 3 secondes et de frôler les 350 km/h quand [elle] est lancé[e] à toute allure ».
Aussi y a-t-il de quoi être excédé par la moraline qui dégouline de partout alors qu’un cachalot vient d’être retrouvé en Espagne avec 29 kilos de plastique dans l’estomac, et que l’on ne peut strictement rien y faire. Les solutions aux vrais problèmes, si elles existent, ne relèvent pas de la technologie: celle-ci n’est pas un obstacle puisqu’elle permet de faire à peu près tout ce que l’on veut. En revanche, il nous faudrait des solutions pour :
- Changer de mentalité : dans un monde « durable », un « bolide électrique aux 1000 chevaux » n’aurait jamais pu voir le jour.
- Entamer une vraie « mutation écologique » : mais l’évacuation de la ZAD de NDDL montre qu’on lui tourne le dos : l’autorité de l’État a primé sur la vraie écologie, et ce, sous les applaudissements de la foule.
- S’attaquer aux vrais besoins des gens, (monsieur et madame Toulemonde, immigrés inclus), et qui s’énoncent en quelques mots : se nourrir, se loger, s’habiller, se transporter et travailler.
- Que l’État, son personnel politique et ses institutions, veuillent vraiment faire ce qu’ils proclament vouloir faire, alors qu’ils font tout le contraire et se livrent à des combats d’arrière-garde : des luttes d’influence et d’hégémonie, au Moyen Orient en particulier.
Moralité : bien sûr qu’« il faut faire quelque chose », mais ce qu’il faudrait n’est possible que dans les rêves d’héroïnomanes alcooliques : taper du poing sur la table !
Paris, le 14 septembre 2018
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