Alain Minc, escroc intellectuel

Jamais nous n’aurions abordé ce « nous sommes le peuple » que revendiquent les GJ si le grand Alain Minc n’en avait fait un sujet fondamental depuis qu’il s’est donné la peine de le contester sur une grande radio.1 Selon lui, « il y a derrière l’emploi du mot peuple une forme d’escroquerie intellectuelle », ce qu’il justifie ainsi : « Quand il dit : nous sommes le peuple, je dis : désolé, vous êtes une partie du peuple, vous n’êtes pas le peuple. » Une portion de tarte n’est pas « la tarte », scrogneugneu !, la logique a été inventée pour ça, on ne va pas la changer pour faire plaisir aux gilets jaunes !

Réfutation de Minc

Assignant les GJ à n’être qu’une « partie », Minc réduit « le peuple » à un tout qui se laisse découper comme un gâteau. Ce n’est pas absurde mais, selon cette logique, il ne réfute que l’assertion : « nous sommes tout le peuple », ce que les GJ ne prétendent pas être. Et s’il voulait dire : « vous n’êtes pas assez nombreux pour que je vous considère comme le peuple », il fait de « nous sommes le peuple » une affirmation de représentativité, ce qu’elle n’est pas.

Quand l’animateur lui pose une question-piège (à 3’45) : « Est-ce que vous, vous êtes aussi le peuple, Alain Minc ? », il ne peut répondre d’un simple oui sous peine d’être ridicule, et ne peut s’en exclure pour ne pas laisser « le peuple » aux GJ. Aussi doit-il s’inclure formellement : « J’appartiens au peuple en tant qu’électeur ». L’argument est recevable mais avec un sens différent de « peuple », de sorte que l’on se retrouve avec deux peuples, celui de Minc et celui des GJ. Comme il ne peut y en avoir qu’un seul, l’un d’eux est un usurpateur, et comme c’est le grand manitou de l’élite française qui parle, l’usurpateur ne peut être que celui des GJ.

Antidote

L’on saisit aisément que ce « nous sommes le peuple » est inacceptable pour une foule de gens : ceux qui, à l’instar de Minc, se considèrent comme appartenant aussi au peuple mais avec des manières d’être et de penser foncièrement opposées à celles des GJ. Malheureusement pour eux, le fait qu’une proposition soit inacceptable n’implique pas qu’elle soit fausse ou illégitime, (de sorte qu’il peut être vain de chercher à la réfuter). Selon le dictionnaire, « peuple » s’emploie aussi pour désigner : « L’ensemble des personnes qui n’appartiennent pas aux classes dominantes socialement, économiquement et culturellement de la société. Synon. masse, plèbe », et de citer Stendhal :

« Je trouvai horriblement vulgaires ces gens que j’aurais voulu aimer (…). En un mot (…) j’aime le peuple, je déteste ses oppresseurs, mais ce serait pour moi un supplice de tous les instants que de vivre avec le peuple. »

Les GJ satisfaisant pleinement ce sens-là, (même s’ils ne sont pas « tout le peuple »), peut-on encore prétendre qu’« il y a derrière [leur] emploi du mot peuple une forme d’escroquerie intellectuelle » ? Il faut être d’une mauvaise foi de troll pour continuer de le soutenir. Donc Minc, qui ne pouvait ignorer ce sens, a pondu une contre-vérité. L’escroc, c’est lui !3

Définition du peuple par le peuple

Les GJ sont du peuple, ils en proviennent et baignent dedans, ils en sont le « socle », tout simplement parce qu’ils sont au niveau zéro de la hiérarchie. Alain Minc, à moins qu’il ne veuille faire s’esclaffer tous les réseaux sociaux de la planète, ne pourra jamais dire : « Je suis un homme du peuple ». Les membres de l’élite se font au contraire un point d’honneur à ne rien faire comme les gens du peuple, à ne pas ressembler aux gens du peuple, à ne pas se mêler aux gens du peuple, à s’élever au-dessus de la masse qui fait le peuple, etc. Ces gens ne sont objectivement pas « le peuple », et cela suppose, en bonne logique, que d’autres peuvent l’être. Qui donc ? Celles et ceux qui le disent, le proclament ou le revendiquent. Aussi peut-on dire que « le peuple » est formé des gens qui n’ont pas honte ou qui sont fiers d’affirmer qu’ils sont « du peuple » : ce peuple-là existe parce qu’il existe des gens qui s’en réclament. (Et l’on notera en passant que Béatrice Dalle, actrice réputée mais sans le sou, s’y inclut de cette façon-là.)

Conflit fondamental

Les enfumeurs-escrocs comme Alain Minc voudraient nous faire croire que « le peuple, c’est tout le monde, vous, moi, les citoyens, les électeurs,… » C’est vrai du point de vue de nos institutions républicaines, mais cela définit, pourrait-on dire, « le peuple légal », celui que l’on appelle à voter, qui bénéficie de la protection (toute théorique) de l’État, qui est (censément) gouverné par lui, etc. Mais c’est de l’enfumage-escroquerie à l’affirmer dans ce contexte, en réponse aux GJ et pour disqualifier leur parole, car ils n’ont pas la prétention d’être « le peuple légal » ni de le représenter. Il y a des députés pour ça, et il se trouve qu’ils ne les aiment pas trop.

Dans les faits, il y a deux peuples depuis que les GJ ont fait entendre la voix du leur, et cela engage un conflit fondamental car il y en a un de trop. Mais à qui la faute si ce n’est à l’élite qui a permis que l’un se détache de l’autre, faute de pouvoir s’y reconnaître ? S’ils ne respectent pas nos institutions, comme l’on se plaît à le dire, c’est peut-être qu’elles manquent d’empressement à les respecter…

 

 

Paris, le 1er février 2019

1 Podcast POLITIQUE ! par Hervé Gardette sur France Culture : « Alain Minc : le « système » à découvert ».

  • 2’35 : on entend le témoignage enregistré d’un GJ, Julien Terrier, qui emploie deux fois le mot « peuple » : « redonner la voix au peuple » et « l’élite qui n’écoute plus son peuple ».

  • 3′ : Minc : « Quand il dit : nous sommes le peuple, je dis : désolé, vous êtes une partie du peuple, vous n’êtes pas le peuple ».

  • 3’45 Répondant à l’animateur : « J’appartiens au peuple en tant qu’électeur, mais le peuple, pour répondre à son propos, c’est aussi la France qui se sent bien dans la mondialisation, celle qui se sent pas bien ce sont le 30% de Français qui dans les sondages même dans la crise actuelle se retrouvent derrière le président de la république » .

  • 4’24 : « il y a derrière l’emploi du mot peuple une forme d’escroquerie intellectuelle ».

2 Note supprimée.

3 « L’escroc, c’est lui ! » est formellement identique à « L’État, c’est moi ! » de Mélenchon. On peut y mettre le même ton.

 


 

Illustration : Arnaud Dumontier – Maxppp

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7 commentaires sur “Alain Minc, escroc intellectuel

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  1. si Mr Minc est un escroc, il en est tout autant de votre article qui se fonde sur une définition historique désuète du mot peuple.
    Vous auriez pu agréger l’adjectif bas pour être juste dans vos propos.

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    1. Je me suis fondé sur le sens du mot « peuple » tel qu’on est en droit de l’utiliser. Cette définition, issue du dictionnaire, ne prétend pas dire « ce qu’est le peuple », cette question relève de la philosophie et/ou de l’Histoire, pas du LANGAGE. La définition du dictionnaire suffisait au traitement de mon sujet, à savoir : critiquer l’assertion de Minc qui accusait les GJ d’escroquerie intellectuelle. Non, le langage montre qu’ils étaient parfaitement en droit de dire « nous sommes le peuple », quelle que soit la conception philosophique que l’on peut avoir du peuple. (Note : pas du tout compris votre seconde phrase.)

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  2. Minc est un parasite néfaste. Il profite de ses accès dans les sphères du pouvoir pour s’enrichir et enrichir sa caste à coups de délits d’initiés. La réussite fulgurante de Betclic au moment de la légalisation des paris sportifs en ligne en 2010 en est un exemple probant : c’est lui qui a recommandé à Courbit d’investir sur ce marché … délit d’initié flagrant.

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  3. Michel Onfray définit (élégamment je trouve) le peuple comme « ceux sur qui l’oppression s’exerce ». Clairement, les GJ sont oppressé, et Minc un oppresseur. (j’espère que Minc n’est pas juifs, sinon je vais être accusé d’anti-sémitisme).

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  4. bien la définition du peuple, mais pour autant, 130000 personnes peuvent-elles représenter la « société » toute entière, peuple compris.
    je ne comprends pas l’attitude des GJ, je m’explique; a ce que j’entends, les GJ, ne sont pas politisés, ne participent pas aux votes, ne sont pas syndiqués, ne participent pas ni a la vie sociale, ni a celle de « l’entreprise », (c’est souvent leur première manifestation), tous ces moyens légaux d’influer sur la vie politique/économique du pays. Ils ne veulent pas d’un pouvoir, ni de représentation nationale, refus de tout représentant.
    Ce n’est pas étonnant qu’ils se disent oubliés, et invisibles.
    il y a eu pourtant une « purge » des politiques, il y a eu un « renouvellement » important des représentants du « peuple » (definition A Minc).
    N’y aurait-il pas une erreur de cible, ce pouvoir d’achat tant décrié, n’est-il pas le résultat des salaires trop bas, n’est-il pas le résultat de la « politique » des entreprises lors de la redistribution des bénéfices réalisés. la compétitivité restera égale si l’on augmente les salaires, plutôt que le distribuer l’argent en dividendes ….

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    1. « erreur de cible » ? Je ne crois pas. Le néolibéralisme, qui a permis un énorme transfert de revenus des salariés vers les actionnaires, a été instauré par les politiques et eux seuls, avec bien sûr la bénédiction des bénéficiaires. Les autoroutes privatisées, (ce qui concerne de très près Alain Minc), n’en sont qu’un exemple parmi une foultitude.

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