Du rififi dans les EPR ? (résolu)

De la fumisterie de prétendus lanceurs d’alertes.


EDIT le 13 janvier 2022 :

Trop drôle ! Le gravissime problème de géométrie de la cuve serait en fait celui de ressorts fragiles qui se sont cassés. Problème résolu par un traitement thermique. Tous les détails sont ici.


Voici une information peut-être fausse mais bien trop grave pour ne pas être remarquée : il paraît que le problème rencontré à la centrale EPR de Taishan sur les barres de combustible serait dû à des vibrations, et que celles-ci devraient leur existence à un défaut de conception de la cuve. Cela signifierait que ces réacteurs ont un défaut persistant, peut-être pas très dangereux tant que ses conséquences sont sous contrôle, mais qui devrait singulièrement compliquer l’exploitation, et probablement la rendre non rentable. Il est évident qu’il faudrait identifier précisément ce défaut et lui trouver une correction avant toute construction de nouveaux EPR.

Centrale_nucléaire_REP

Comment un défaut dans la cuve pourrait-il engendrer des vibrations susceptibles d’endommager les crayons ? Pour l’heure, personne n’en sait rien, (l’information a toutes les apparences d’une hypothèse), mais ce n’est pas inconcevable. En effet, les EPR sont des réacteurs à eau pressurisée : les crayons baignent dans l’eau que contient la cuve, comme le montre le schéma ci-dessus. Cette eau étant en circulation, et d’une façon sans doute très complexe du fait de la pression, de la température et de la géométrie des objets, il n’est pas impensable qu’elle soumette les crayons à des vibrations assez fortes pour les endommager. Mais tout cela reste à prouver, et les informations parvenues au grand public sont pour le moins lacunaires. On ne sait rien de sûr en ce qui concerne les dégâts : y a-t-il des « ruptures » dans les gaines, comme l’affirme l’article de Reporterre à qui nous devons cette nouvelle ? C’est fort possible, car cela expliquerait les fuites constatées, mais le grand public ne sait pas grand chose de leur ampleur.

Le débat qui en résulte, et que l’on peut suivre sur la page Facebook de Reporterre, promet d’être intéressant, car l’information vient d’un lanceur d’alertes anonyme relayé par la CRIIRAD, une association dont certains n’apprécient pas exagérément les compétences… Ce débat oppose les pronucs qui ont tendance à minimiser l’importance de la nouvelle, et les antinucs qui boivent du petit lait. L’un des deux « camps » devant être déçu quand cette information sera confirmée ou infirmée, votre serviteur se garde bien de prendre position. De toute façon, la question est impossible à trancher pour le grand public, il faut attendre des informations complémentaires, et garder à l’esprit que, si l’hypothèse n’est pas irréaliste, elle n’est pas non plus la seule envisageable : les domaines hautement techniques réservent toujours des surprises. Rien ne dit non plus qu’on ne trouverait pas une solution pour palier un éventuel « défaut de conception de la cuve ».

EDIT le 13 janvier 2022 : la suite du texte montre que votre serviteur est bien tombé dans le panneau. On ne le reprendra pas deux fois à prendre au sérieux les écolos qui s’expriment sur ce sujet…

Cependant et comme toujours, l’optimisme des uns et des autres a de quoi faire sourire. Les intervenants des deux « camps » ne se distinguent pas par leur prudence, chacun considère qu’il a partie gagnée, alors qu’il y aura forcément un « perdant ». Les pronucs devraient donc se méfier, et imaginer le pire au lieu d’écrire des choses comme ça :

« L’IRSN avait déjà relevé le problème des vibrations en mars dernier pour celui de Flamanville… Bref l’ASN est au courant, ce n’est pas une nouveauté.. et il concerne d’attendre les résultats des expertises. No stress .. »

L’on croit volontiers que l’ASN est au courant, mais tant qu’on ne saura pas d’où viennent ces vibrations, et à supposer qu’elles soient vraiment la cause, il y a de quoi se faire du souci. En revanche, si l’on trouve une solution qui n’oblige pas à corriger la cuve, les antinucs ne s’en remettront pas : le nucléaire aura prouvé qu’il est sûr en dépit des rarissimes erreurs humaines comme à Tchernobyl.

Paris, le 30 novembre 2021


Illustration : Challenges : « La Chine admet un incident mineur dans sa centrale nucléaire de Taishan »

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Permalien : https://onfoncedanslemur.wordpress.com/2021/11/30/du-rififi-dans-les-epr/

Un commentaire sur “Du rififi dans les EPR ? (résolu)

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  1. Bonjour,

    Votre internaute cité dans l’édit confond deux choses :

    1) Le problème de vibrations excessives affectant la LEP (la ligne d’expansion du pressuriseur). Celui-ci est en effet connu depuis 2018, et a fait l’objet d’une note de l’IRSN en mars dernier (vous la trouverez facilement sur google, avis 2021-00049). En résumé, il s’agit d’un problème de conception qui affecte tous les EPR, construits ou en construction, et pour lesquels il est trop tard. EDF cherche donc une solution pour amortir ces vibrations excessives, qui peuvent causer une usure anormale des installations, voire dans le pire des cas une rupture du circuit primaire (eau radioactive au contact du cœur).

    Le problème que pointe l’Institut est que Framatome n’a pas prévu de changer la conception de cette partie de l’installation pour les EPR 2, ceux qui doivent normalement être construits chez nous :

    « De plus, Framatome considère que le tracé actuel de la LEP pour les futurs réacteurs EPR2 est le meilleur compromis pour prendre en compte les différentes exigences de conception (dilatation thermique, encombrement, résistance mécanique…). Ainsi, le tracé de la LEP apparaît figé alors qu’aucune solution au regard du retour d‘expérience disponible n’a encore été définie. Pour l’IRSN, Framatome doit identifier les origines des vibrations élevées et revenir à une situation comparable à celle du parc en exploitation. Une nouvelle conception de la LEP ne doit pas être exclue quand bien même cela devrait mettre en cause la conception du génie civil. » (page 2)

    Il n’y a pas de lien fait à ce stade entre ces problèmes de vibrations de LEP et ceux rencontrés à Taishan sur les crayons de combustible.

    2) Les problèmes de gestion de la puissance qu’explique très bien B. Laponche dans le lien que vous avez placé à la fin de l’édit. En résumé là aussi, il est apparu assez précocement qu’on ne maîtrisait qu’imparfaitement la dynamique des fluides sur un réacteur de ce niveau de puissance. En clair : on n’a jamais construit aussi gros et on ne sait pas trop comment se comporte le cœur du réacteur. Il se pourrait que les modèles et autres simulations n’aient pas bien prévus les choses (la chaleur ne serait pas répartie comme prévue par exemple). Il faut bien imaginer qu’on envoie de l’eau sous pression en permanence sur le cœur et qu’on ne l’a jamais fait à ce niveau de puissance : on découvre donc certaines choses « en direct ».

    Ce que l’article de Reporterre relate est l’affirmation d’un lanceur d’alerte, ou du moins une personne se présentant comme telle, qui lie les problèmes d’usure précoce rencontrés sur les crayons de combustible à un problème de conception de la cuve, en soulignant notamment que des difficultés étaient déjà apparues dès les essais sur maquette à l’échelle 20% en 2007-2008.

    ***

    A ce stade, l’enquête est en cours. L’ASN a demandé depuis a ce que l’origine de cette usure anormale soit élucidée. Il faut bien comprendre les enjeux de cette nouvelle difficulté :

    – Il y a désormais consensus chez tous les acteurs que nous ne serons pas en capacité de construire dans les temps des nouveaux réacteurs (de type EPR2). La note gouvernementale qui a fuité en octobre dernier sur Contexte évoquait ainsi la date de 2040 dans une hypothèse optimiste pour une seule nouvelle paire, tant EDF n’a pas les capacités d’ingénierie pour faire face à la fois aux travaux de grands carénages (poursuite des réacteurs actuels), mise aux normes post Fukushima, et construction de nouvelles unités.

    – Dans ce contexte hyper tendu, tout nouveau problème de conception potentiel retarde encore plus le lancement de la construction des réacteurs EPR2. C’est ainsi que pour gagner du temps, certains éléments comme la LEP n’ont pas été revus entre l’EPR1 et l’EPR2, par exemple. La découverte d’un nouveau vice de conception pourrait être catastrophique pour la suite, surtout si l’on se rend compte qu’il affecte un élément aussi critique que les gaines de combustible.

    Bref, affaire à suivre.

    Cordialement.

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